
Transition énergétique et souveraineté : défis de l’industrie de défense
Le 26 mars 2025, j’ai animé un webinaire sur un sujet stratégique : la consultation publique appliquée à l’industrie de défense, dans un contexte de transition énergétique. Vous avez été nombreux à vous inscrire et à participer activement, ce qui témoigne de la pertinence du thème et de la volonté des porteurs de projets industriels de concilier développement, acceptabilité et anticipation réglementaire.
Durant cette session, nous avons exploré les nouvelles règles du jeu imposées par la réforme de la consultation publique, en vigueur depuis octobre 2023, et les leviers concrets pour éviter les blocages, accélérer les démarches, et rester maître du processus face à un environnement de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux et sociétaux.
Introduction – Comprendre la réforme : la consultation publique dans l’industrie de défense
Nous sommes à un moment charnière. L’industrie française, notamment dans les secteurs liés à la défense, à l’énergie, ou aux matériaux critiques, est appelée à produire davantage tout en réduisant son empreinte environnementale. Ce double impératif, productivité et sobriété, est désormais au cœur des arbitrages industriels.
La réindustrialisation devient un objectif stratégique, soutenu par la loi du 25 octobre 2023. Mais les projets d’implantation ou d’extension d’activités rencontrent souvent une résistance locale, parfois structurée, parfois spontanée, mais toujours influente.
Ce webinaire avait pour but de vous aider à décrypter les nouvelles obligations réglementaires, identifier les risques de contestation dans l’industrie de défense , et surtout, maîtriser la phase de consultation publique avec des méthodes éprouvées de dialogue territorial.
1. Comprendre la consultation publique « parallélisée » : une révolution silencieuse
Depuis octobre 2023, la procédure environnementale a changé. Elle introduit une consultation publique dite « parallélisée », qui modifie profondément le calendrier et les modalités de dépôt des projets soumis à autorisation environnementale.
Une séquence resserrée, sans marge de manœuvre
La grande nouveauté réside dans le délai de trois mois désormais imposé pour mener en parallèle :
- l’instruction par les services de l’État,
- les avis des autorités réglementaires,
- la consultation des collectivités,
- et celle du public.
Ce délai n’est ni suspendu ni prorogeable. Il est donc impératif d’arriver parfaitement préparé au moment du dépôt.
Un site internet dédié, des réunions publiques obligatoires
Deux éléments sont désormais incontournables :
- Un site internet « conforme », accessible à tous, permettant la publication des documents et la réception des avis.
- Deux réunions publiques obligatoires, organisées par le commissaire enquêteur : l’une 15 jours après le lancement, l’autre 15 jours avant la clôture.
Ces obligations sont à la fois des opportunités de dialogue… et des risques majeurs si mal préparées.
Des risques de contestation accrus
Le principal risque de cette procédure réside dans la mise à disposition totale des documents (études techniques, réglementaires, économiques) sans préparation pédagogique. Les opposants peuvent les exploiter, parfois en extrapolant ou en déformant certains éléments, et ainsi orienter l’opinion publique contre le projet.
La conclusion est simple : soit vous anticipez et vous gardez la main, soit vous subissez.
2. Évaluer les risques et activer la phase amont : rester maître du calendrier
Une première étape incontournable : définir sa stratégie de dialogue
Pour chaque projet, il faut désormais définir sa stratégie de dialogue à partir d’une évaluation des risques de contestation. J’utilise personnellement des outils logiciels, permettant de mesurer :
- Le potentiel d’acceptabilité du projet,
- La sensibilité sociale du territoire,
- Le risque sociétal calculé par le croisement du potentiel d’acceptabilité et de la sensibilité sociale.
Ce diagnostic permet de classer les projets en zones vertes (risque faible), jaunes (risque modéré), oranges (risque élevé), ou rouges (risque critique). C’est à partir de cette évaluation qu’on décide de la stratégie à adopter.
Quand activer la phase amont ?
Si le projet est en zone orange ou rouge, la phase amont de dialogue devient indispensable. Elle est encore facultative dans le droit, mais dans les faits, les services de l’État la réclament de plus en plus, pour pouvoir instruire les dossiers à leur rythme, hors des contraintes du délai des trois mois.
Il est donc fortement recommandé de prendre rendez-vous très tôt avec les services instructeurs pour des « réunions de cadrage ». Même si elles ne sont pas officiellement des réunions d’instruction, elles permettent d’identifier les points sensibles avant le lancement de la consultation.
L’exemple d’un projet sensible
J’ai été récemment sollicité sur un projet de valorisation énergétique de déchets, à forte tension locale. Malgré la proximité de la consultation, nous avons pu mettre en œuvre une stratégie d’anticipation qui a permis de désamorcer les oppositions, d’installer une culture de dialogue, et d’intégrer les deux réunions publiques réglementaires dans le dialogue.
C’est exactement cette méthode que je souhaite partager avec vous.
3. Tirer parti des réunions publiques : transformer une menace en opportunité
Trois étapes d’un dialogue territorial réussi
Le dialogue avec le territoire suit une logique en trois temps, bien documentée par la littérature sur la concertation :
- L’émotion : les habitants expriment leurs peurs, leurs colères, souvent sans filtre. Cette étape est inévitable.
- Les échanges constructifs : lorsque les porteurs de projet mettent en oeuvre des dispositifs pour pouvoir écouter et répondre avec sincérité en toute sécurité, le dialogue s’installe.
- Le consensus (même partiel) : ce temps permet aux acteurs du territoire qui n’osaient pas soutenir publiquement le projet, de le faire.
Mais si l’émotion est refoulée ou ignorée, elle surgira lors de la première réunion publique, avec des effets souvent dévastateurs.
La solution : le test d’acceptabilité
C’est pourquoi je recommande de précéder les réunions publiques par un évènement hybride entre réunion publique et permanence. Ce format, né pendant la crise COVID, fonctionne remarquablement bien.
L’absence de microphone permet :
- Des échanges apaisés entre les porteurs de projet pour et les habitants.
- De présenter le projet sans risque de détournement des informations.
- D’initier la construction de confiance envers le porteur de projet
L’objectif est clair : recueillir les premières émotions dans un cadre maîtrisé, tout en créant les conditions d’un dialogue authentique.
L’importance de recueillir les expressions du territoire par écrit
Chaque évènement permet des échanges mais également de recueillir par écrit les expressions (questions, craintes, suggestions) du territoire via des supports papiers et numériques.
Les participants peuvent ainsi suivre les réponses qui sont faites à leurs questions et/ou suggestions.
Nous analysons ensuite les retours et construisons un tableau de bord thématique, avec des engagements de réponse de la part du porteur de projet. Ce processus structure le dialogue, crédibilise la démarche, et prépare la réunion publique n°1 dans de bonnes conditions.
Résultats concrets et retours d’expérience
Grâce à cette démarche :
- 90% des projets accompagnés obtiennent leur autorisation,
- Les recours ou abandons restent marginaux (10%),
- 30% des oppositions potentielles sont évitées,
- Et dans 40% des cas, des opposants changent de position.
Mais surtout, nous gagnons 6 à 12 mois sur le calendrier, car nous évitons les blocages et les rebonds inutiles.
Conclusion – Pour un dialogue stratégique au service de l’accélération industrielle
La réforme de la consultation publique n’est pas un frein. C’est une opportunité de transformer notre manière de faire de l’industrie.
En plaçant le dialogue en amont, en évitant les pièges de la précipitation, et en acceptant de travailler les émotions avant les chiffres, on peut maîtriser la séquence publique, éviter les blocages, et renforcer la légitimité de son projet.
Ce que j’appelle « garder les mains sur le volant », c’est ça : ne pas subir la procédure, mais en devenir acteur, en engageant le territoire sur une base transparente, rigoureuse et sincère.
Prenons rendez-vous pour aller plus loin
Vous avez un projet en cours ou à venir, une phase critique à franchir, ou des doutes sur votre stratégie de dialogue ?
Je vous propose 30 minutes d’échange individuel pour analyser votre situation, partager des bonnes pratiques, et identifier les leviers spécifiques à votre territoire.
Contactez-moi via ce lien ou à l’adresse suivante : philippevervier@acceptablesavenirs.fr.
Ensemble, accélérons vos projets sans perdre le lien avec les territoires.
Philippe Vervier