Le 8 octobre dernier, la ville de Giuncaggio, en Haute-Corse, inaugurait la plus grande centrale photovoltaïque avec stockage du territoire. Objectif ? Une totale autonomie énergétique d’ici 2050. À l’heure où les préoccupations climatiques prennent de plus en plus d’ampleur, quel avenir pour l’acceptabilité des projets d’énergies renouvelables ?
Préoccupation environnementale et acceptabilité des projets d’EnR
Le 13 février 2019, la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur de la création d’une commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables (EnR), sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. Dans la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d’enquête figurait parmi les quatre thèmes prioritaires celui de l’acceptation locale. Les auteurs de cette résolution ont mis en avant le fait que « les secteurs de l’éolien terrestre et maritime côtier sont ainsi révélateurs de la très faible acceptabilité sociale de ces projets par nos concitoyens qui refusent de voir leur paysage détruit par des éoliennes, malgré l’entêtement des pouvoirs publics à investir dans ces énergies ».
Si la préoccupation environnementale est bien présente en France, il n’en en est pas moins que l’attente en ce qui concerne plus de transparence et de lisibilité sur les projets instaurés en ce sens, existe… encore plus lorsqu’ils conduisent à des changements au quotidien, voire des taxes, au risque sinon de générer plusieurs résistances locales.
Et si la solution était participative ?
Or, si le développement des EnR est un pilier fort de la transition énergétique, il n’en demeure pas moins que son acceptabilité est essentielle pour parvenir à atteindre les objectifs fixés pour 2030, soit 32 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie, 40 % pour l’électricité.
Aussi, parmi les solutions avancées pour faciliter le déploiement des énergies renouvelables figurent la démarche de projets citoyens et participatifs, proposée par l’Iddri à l’occasion de leur dernière étude.
Plus simple à mettre en œuvre, le modèle de financements participatifs connaît aujourd’hui une croissance importante (39 millions d’euros collectés en 2018 contre 21 millions en 2017). Il est vrai que selon une étude de l’Ademe, l’éolien citoyen représentait environ 3 % des capacités totales installées en France jusqu’en 2016, et 1 % pour le photovoltaïque, contre 43% en Allemagne pour les EnR, dont 32% par les habitants et 11% par les agriculteurs.
Ainsi, en termes d’initiatives participatives, nous avons celles initiées sur les plateformes de crowdfunding en matière d’EnR et portées par des développeurs industriels et qui connaissent une belle progression avec presque 40 millions d’euros collectés l’an passé. De l’autre nous avons des projets citoyens qui associent les habitants et leurs collectivités.
Cependant selon Andreas Rüdinger (Sciences Po – USPC), ces modèles restent difficiles à mettre en œuvre. Car, si ces pistes semblent prometteuses,
il faut souligner que l’acceptabilité est basée sur un processus plus que sur quelques solutions techniques ou économiques.
Elle repose sur une prise en compte des questions de crédibilité et d’opportunité vues par les acteurs d’un territoire, ainsi que celle de l’équité perçue, qui parle de l’équilibre de la répartition des inconvénients et des avantages des projets.
Prendre en compte l’acceptabilité très en amont pour plus d’efficacité
Vous l’aurez compris, l’acceptabilité doit tenir compte de la complexité des territoires et de leur histoire. Le Québec, à travers son ministère de l’Environnement, oblige à l’acceptabilité sociale des projets. Cependant, des projets éoliens d’envergures voient monter des oppositions fortes alors même qu’un partenariat avec la municipalité était envisagé… (cas de la Ville de Bathurst).
Ainsi, l’acceptabilité ne se décrète pas, elle est fortement liée à une démarche où toutes les dimensions d’un projet, technique, économique, réglementaire et sociétale seront prises en compte avec le même poids. Le dialogue pouvant conduire à l’acceptabilité d’un projet doit être basé sur la reconnaissance de tous les intérêts avant de vouloir construire une convergence pour son acceptation locale. L’acceptabilité passe sans nul doute par un changement de paradigme dans la conduite des projets de développement des EnR.
Il s’agit de passer du paradigme du projet descendant au projet transversal avec une prise en compte sincère des attentes sociétales et ce dès les études de préfaisabilité.
Philippe Vervier
Je remercie celles et ceux avec qui j’ai échangé au sujet de cette réflexion sur l’acceptabilité sociétale des énergies renouvelables (Jérôme Imbert, Grégory Orgeas, Madyan de Welle, Lucie Pouget, Benoit Gilbert, Adrien Appéré, Jean-Luc Stanek).
Pour aller plus loin : Masterclass en ligne sur « Comment favoriser l’acceptabilité sociétale des énergies renouvelables » (gratuite)